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Entretien avec Cinéma Public Films

Interview
Publié le 12 . 12 . 2024
Delphine Bruneau
Jérémy et Valentin proposent une programmation spécialisée dans le Ciné d’Art et Essai Jeune Public depuis plus de 30 ans. Allons en apprendre plus sur eux.

Jérémy et Valentin proposent une programmation spécialisée dans le Ciné d’Art et Essai Jeune Public depuis plus de 30 ans. Les incontournables Pat et Mat ou encore La Chouette du cinéma, ce sont eux ! Des films intemporels qui éveillent la curiosité des petits et grands cinéphiles. Aparté avec deux passionnés…

La date de création de Cinéma Public Films ?

La société a été fondée en 1989, par Jacques Atlan, alors président de l’association Cinéma Public (Val-de-Marne) et organisateur du festival Ciné Junior 94.

 

 Pouvez-vous nous présenter la ligne éditoriale de Cinéma Public Films ?

Notre société se concentre sur les films à destination du jeune public, avec une inclinaison très forte en faveur du cinéma d’animation (format court ou long). Nous avons développé une capacité particulière d’offrir aux exploitants de cinéma tout un panel d’outils et de supports d’accompagnement pour nos films permettant d’enrichir les séances en créant des moments conviviaux de rencontre et de partage.

Nous pouvons également nous distinguer en accompagnant nous-mêmes les films sous les écrans lors de tournées nationales à travers les cinémas Art & Essai (depuis 2005) ou l’organisation de ciné-concerts (depuis 2014).

Nos programmes de courts métrages d’animation sont construits autour d’axes thématiques et artistiques. Ils permettent une découverte du monde, en proposant des points de vue riches et variés sur des questions actuelles et universelles.

 

Combien êtes-vous au sein de Cinéma Public Films ? Quels sont les rôles, les missions de chacun.e ?

Notre équipe compte cinq salariés et deux personnes indépendantes (pour la création graphique).

Les rôles sont répartis de la façon suivante : un pôle programmation est réuni autour de Jérémy Bois, assisté par Mélody Remay et Elodie Bois, la communication est assurée par Justine Sanson, et la gestion administrative et financière est assurée par Valentin Rebondy (assisté par Elodie Bois), qui a également la responsabilité de la recherche et de l’acquisition des films.

 

Comment se déroule la sélection des films, programmes de courts-métrages de votre catalogue ?

Le choix des films s’établit selon plusieurs critères, tels que la tranche d’âge pour laquelle le film peut se destiner, la qualité artistique et narrative, la profondeur de l’histoire et des personnages ainsi que les pistes d’ouvertures et de réflexion qu’il peut offrir.

Ensuite, la construction d’un programme de courts métrages doit tenir compte de l’ensemble de ces paramètres en tentant d’harmoniser le tout en vue de proposer une séance de cinéma la plus agréable possible. La construction de certains programmes peut être complexe et fastidieuse, en s’étalant parfois sur plusieurs mois ou même plusieurs années.

Si tous les producteurs avec lesquels nous travaillons sont force de propositions, nous sommes également à l’initiative de nos recherches en vue de nouvelles acquisitions.

Le film coup de cœur de votre programmation ?

Valentin : En ce qui me concerne, l’un de mes coups de cœur reste Le Piano magique, un programme de trois courts métrages illustrant les musiques de Beethoven et Chopin.

Je peux aussi signaler la collection de films Pat et Mat, dont les péripéties burlesques nous accompagnent depuis maintenant 10 ans et grâce à quoi nous avons pu vivre des moments extraordinaires avec les exploitants de cinéma.

Mais nous choisissons tous nos films avec le cœur, et ils ont chacun une place privilégiée !

Vous avez une belle démarche d’accompagnement des films. Comment cela se passe ? Vous allez à la fois à la rencontre des producteurs, des exploitants et du public ?

La première rencontre, au début d’un projet, est bien celle avec le producteur ; c’est de là que tout commence. S’il est réceptif à notre démarche singulière, nous sommes prêts à faire beaucoup pour défendre nos films. L’idée de départ reste de mettre le travail des auteurs en avant, que le public comprenne la valeur intrinsèque de ce qu’il vient de voir.

C’est aussi un moyen efficace de défendre la singularité de cet écrin qu’est la salle de cinéma, où la rencontre entre le public et un film est la plus marquante et la plus belle. D’un côté nous soutenons le travail des artistes, grâce aux moyens de production qui nous sont mis à disposition, et de l’autre, nous soutenons l’effort de la salle de cinéma d’accueillir son public de façon qualitative, instructive, ludique et collective. Chaque film ou programme offre alors des perspectives et des opportunités qui lui sont propres, et que nous prenons un grand plaisir à développer.

On peut le faire en s’appuyant sur des partenaires de confiance, comme Cyrille Aufaure pour les ciné-concerts, ou s’en emparer nous-mêmes à l’occasion de tournées en salles pour présenter le matériel de production et animer des ateliers dans le prolongement des séances.

Enfin, cet accompagnement peut aussi être pris en charge par l’exploitant, grâce aux mallettes pédagogiques ou expositions itinérantes qui lui sont mises à disposition.

 

Sur chaque film, vous proposez un dossier d’accompagnement ludique ou pédagogique (dossier pédagogique, proposition de ciné-goûter thématique…) Comment concevez-vous ces documents inhérents à votre programmation ?

La conception, la rédaction et la mise en page de tous nos documents et supports d’accompagnement sont réalisés par nos soins. C’est plus particulièrement le rôle de Justine et Elodie, qui se partagent les différents documents, de leur élaboration jusqu’au fichier prêt à imprimer.

Depuis 2009, nous travaillons avec Romain Salvati et Léa Herrenschmidt, qui sont indépendants, pour tout ce qui touche à la création visuelle de tous nos supports. Une première réflexion collégiale se tient pour établir les grandes lignes et l’orientation à suivre sur chaque document.

Ensuite, Justine et Elodie déroulent et développent chaque concept jusqu’à leur finalisation. L’impulsion pour une idée ou un concept est donné par le film. Son histoire, ses enjeux narratifs, ses personnages, etc. sont autant de sources d’inspiration qui nourrissent notre réflexion. On s’appuie sur la matière première qu’est le film pour en faire le point de départ d’un approfondissement ludique et pédagogique.

Vous travaillez avec d’autres distributeurs dédiés au jeune public notamment sur le Little Films Festival ? Comment est née cette belle idée ?

L’initiative revient à l’équipe de Little KMBO, qui nous a proposé de rejoindre l’aventure à leurs côtés. Cet événement, qui propose désormais un rendez-vous estival majeur pour les cinémas Art & Essai spécialisé en direction jeune public, nous réjouit par son succès croissant et le message qu’il envoie à la profession.

En effet, nos sociétés, aux côtés de Gébéka Films et Les Films du préau, présentent un programme construit et élaboré collectivement, en bonne intelligence et avec un objectif commun. J’ai trouvé la démarche très pertinente au lendemain de la crise sanitaire ; c’était une façon de démontrer notre capacité à être solidaires.

Mais le fait que cela se pérennise démontre aussi notre habileté à voir au-delà de notre intérêt personnel. Il y a presque un côté mutualiste dans la démarche qui est assez unique en son genre, et dont les résultats démontrent qu’on peut aussi gagner à travailler tous ensemble.

Les films tout public sortent en général dans une logique d’immédiateté (quota de séances, total sur la 1 ère semaine d’exploitation…) Avec les films jeune public, on prend le temps que le film s’installe, on le reprogramme même des années après. Comment expliquez-vous cette éthique de programmation liée à la Distribution Jeune Public ?

 De mon point de vue, l’explication du phénomène des sorties « tout public » est multifactorielle, mais j’en distingue trois éléments principaux. Si une société de distribution s’engage sur un nombre conséquent de films à sortir chaque année, au-delà d’une dizaine, cela compresse inévitablement le temps d’exposition d’un film avant que le suivant ne vienne prendre sa place. Tout doit aller plus vite, les équipes enchaînent les sorties sans possibilité d’un travail de suivi sur la durée, tant la rotation des films entre leurs mains est accélérée.

Ajoutons à cela que certains films coûtent très cher à sortir (acquisition, promotion, etc.) et la nécessité d’un retour sur investissement rapide devient vital ; il faut optimiser le lancement du film (le moment où sa médiatisation est à l’apogée) en vue de maximiser son potentiel de recettes. Pour y parvenir, certains distributeurs en viennent à imposer des conditions d’exploitation de leurs films aux cinémas qui permettent de répondre aux enjeux précipités ; quotas de séances, etc.

Il en résulte des conditions de programmation des films en salles très dégradées, où le rapport de force domine la logique d’une grille de programmation qui devrait répondre aux besoins de la salle (et de son public) plutôt qu’aux besoins d’un distributeur.

On met souvent à part la Distribution Jeune Public, mais je crois que cela tient plus à notre volonté de travailler différemment qu’à la nature des films eux-mêmes ou d’un marché de niche aux spécificités singulières. Si on s’attarde sur ce marché en particulier, on constate que la concurrence est rude, dans un espace très restreint.

Nos films sont surtout exploités les mercredi, samedi et dimanche (au même titre que le reste de la distribution), et pendant les vacances scolaires (au même titre que les plus gros films familiaux et grand public). Nos films sont projetés sur les mêmes écrans que tout le reste des films distribués, il s’agit donc pour nous de réussir à se faire une petite place au milieu de toutes ces propositions.

Pour y parvenir, nous avons opté pour un modèle économique qui nous permet de rester dans un rapport de séduction plutôt que d’imposer un rapport de force.

Notre société peut tenir l’investissement sur ses sorties pendant un temps relativement long (en partie grâce au soutien du CNC), sans surmédiatisation (qui crée un sentiment d’urgence superficiel), ce qui dépressurise l’enjeu des premières semaines d’exploitation, et du même coup offre une liberté de mouvement et d’action à la salle dans ses choix de programmation.

Ainsi, nos échanges avec les exploitants portent exclusivement sur l’intérêt que représentent nos propositions pour les cinémas et leur public, et comment parvenir ensemble à atteindre notre objectif commun : à savoir faire de belles entrées.

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